La coinchée

“J’ai quelque chose à te proposer. Avec Vincent et Arno, on fait une virée sur 4 jours par étape de 200km. On dort en bivouac. Ca te dit ?”
C’est, en résumé, ce que m’a dit Jean-Michel, ce soir-là.

J’ai pris le temps de réfléchir mais dans ma tête, c’était déjà OUI.

Le temps, c’était pour faire mine d’évaluer plusieurs choses … est-ce que j’allais suivre le rythme ? partir à quatre alors que mon truc est de partir seul ? bivouac ? je n’ai jamais fait.
Curieusement, je ne me suis pas posé de questions sur l’aspect sportif de la chose … on a les peurs qu’on peut …

Vite fait, bien fait : je m’équipe en duvet et matelas. Je serai en tente partagée avec Jean-Michel.

Le trajet

Le lieu de départ est Quincieux situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Lyon. L’arrivée est prévue 5 jours après au Mont-des-Avaloirs, sommet situé dans le département de la Mayenne, en région Pays de la Loire. Du haut de ses 416 mètres, il est le point culminant du Massif armoricain.

En ce qui me concerne, je me suis ajouté quelques kilomètres en rejoignant Quincieux depuis Mâcon (TER beaucoup moins onéreux). Je déconseille la voie verte car franchement pas terrible, même équipé d’un gravel.

Puis, l’après-midi du dernier jour, quelques dizaines de km vers Le Mans pour attraper un TGV vers Paris avec réservation emplacement vélo (très pratique; il faut toutefois se faire entendre pour que les passagers ôtent leurs bagages des emplacements réservés). Les contrôleurs sont plutôt aidants pour ça.

Préparation des bagages

J’ai voulu faire léger et, comme d’habitude, j’en ai pris trop. Malgré tout, ces 5 jours ont été une formation accélérée sur le bike packing et j’ai énormément appris; promis pour la prochaine, je m’allège !
En tant que geek moyen et cycliste non équipé de moyeu dynamo, l’énergie a été source de réflexion (Arno, a résolu le problème avec des extraits de cartes numérotés et plastifiées).
L’autre élément est le couchage, la moitié de tente à embarquer : la sacoche de selle Apidura 17 litres a résolu le problème en contenant tout.

LA PREPARATION DES BAGAGES

Le voyage
Le premier jour

Réveil 5h pour un départ à 6h. On prend nos habitudes pour les 4 jours à venir.
Ce premier trajet doit nous emmener jusqu’à Salins-les-Bains (39).
Les 50 premiers km jusqu’à Pont-d’Ain, sans difficultés, s’enchaînent bien, à allure correcte. Les 50 suivants, jusqu’à Vouglans, longent l’Ain; non seulement, ils n’offrent pas de difficultés et en plus, le paysage est beau.

En suite, montée vers Les Crozets (945m). Ca monte bien, c’est agréable même si le repas m’a barbouillé. Il fait chaud, les bidons d’eau se vident à vue d’oeil. Heureusement, en montagne, la présence de sources d’eau qui émaillent le parcours pallient l’absence de commerces.

Le soir, après nos 218km, notre fin limier Vincent, nous a trouvé un bivouac au bord de la Loue, herbe et eau courante à gogo. Top !

LES PHOTOS DU PREMIER JOUR

Le deuxième jour

L’objectif est de rejoindre Vix, juste au-dessus de Chatillon-sur-Seine. Petit détour autour de la Saline Royale d’Arc-et-Senans puis plein ouest vers Dôle, Nuits-Saints-Georges non sans un arrêt “ravito boulangerie” que nos estomacs tenteront d’oublier.

En route pour le point culminant de l’étape à 580 mètres sous un soleil réchauffant et pas encore brûlant. Le paysage se déroule tranquillement au gré des vallons. Personne. Que nous. Je suis bien.

Descente sur Le Pont-d’Ouche où nous rejoignons le canal de Bourgogne pour une bonne trentaine de kilomètres.
Arrêt-resto à Vandenesse-en-Auxois (bon, là, pareil, silence radio – le taboulé imposé était peut-être de trop, après celui du petit-déj; et Arno a eu droit à ce qu’il ne voulait pas : un bœuf bourguignon – pas pléthore de choix dans ce coin).

Donc 30 km de plat, plutôt à vive allure, on s’habitue vite. Heureusement, Vincent, en faisant sa trace à veiller à rompre le rythme par une petite sortie au niveau de Pont-Royal où nous avons attaqué une bonne bosse, qui en soit, n’était pas insurmontable. Mais l’effet des presque 40°C couplé à l’heure qui commençait sérieusement à avancer nous a fait tenir une réunion à son sommet.

– Reste 70km, il est 17h, il fait chaud, que fait-on ?
 – Ce voyage doit rester un plaisir.
 – On rejoint le canal de Bourgogne et on trouve un bivouac.
 – Ok.

C’est un résumé mais ça reste très proche des propos tenus : consensus et satisfaction partagée … faudrait peut-être qu’au taf, il y ait des enjeux autour des besoins primaires pour que nos réunions soient aussi efficaces.

Arrêt méga ravitaillement à Montbard où j’ai compris l’intérêt d’emmener un petit sac à porter sur le dos (genre avec des cordelettes).

Quelques km plus loin, repos pour la nuit, pas loin du canal.

LES PHOTOS DU DEUXIEME JOUR

Le troisième jour

Non seulement, je n’ai aucun regret de notre arrêt prématuré de la veille mais je me demande encore dans quel état j’aurai fini cette étape si nous avions été jusqu’à Vix. Au lieu des 208 km prévus, c’est donc 180 aux dénivelés coupés à la hache, qui nous attendent.

Le dénivelé, c’est une chose, le vent en est une autre. Et ce jour-là, il a été terrible, surtout entre Sampuits et Cosnes-sur-Loire. Pour une raison inconnue, j’ai mal géré ces malheureux petits 30 km, me sentant à la traîne (je l’étais).

Malgré ça, j’ai de beaux souvenirs des routes vallonées de l’Yonne, de superbes villages Noyers-sur-Serein, Mailly-le-Château,  Druyes-les-Belles-Fontaines. Cette trace est vraiment à faire.

Nous nous sommes rejoints à Cosne pour continuer sur Sancerre où nous attendent ces deux montées à un peu plus de 10% (Arno’s touch ! souvenirs communs d’une Born To Ride récente de mes trois camarades). Du coup, j’aurai un souvenir aussi 🙂 !

Ensuite direction Henrichemont où nous attend (mais elles ne le savent pas encore), quatre méga pizzas réconfortantes.

Et le soir, super coin de bivouac déniché par les experts. Nuit reposante avant l’orage et la vitesse.

LES PHOTOS DU TROISIEME JOUR

Le quatrième jour

Peu de photos ce jour-là, et pour cause. Entre la météo plus qu’aléatoire et les relais à quatre sur plus de la moitié du parcours, la concentration était de mise.

En gros, traversée du Loir-et-Cher du Sud au Nord. Au programme, la Sologne, plate), Blois, l’ouest du Vendômois et les abords du Perche (moins plats), pour rejoindre la Ferté-Bernard.

Les orages sont arrivés juste après notre pause petit-déjeuner et cette fois, je me souviens du nom du village et de la boulangerie.
Les viennoiseries étaient tellement bonnes – j’y ait fait deux allers-retours (je ne suis pas le seul).
C’est donc à Pierrefitte-sur Sauldre, boulangerie Cyrille Stern.

Le temps de mettre la veste de pluie (j’ai compris ici, que je n’emmènerai plus les surchaussures, sauf en cas de froid) et c’est parti en mode relais.
Première fois pour moi, globalement, on roule à un peu plus de 30. La forêt solognote se déroule rapidement sous la pluie et quelques éclairs.
J’évalue mal la durée à rester en tête de relais (j’apprendrai après qu’on y reste 1 à 2 km), du coup, c’est un peu irrégulier et hyper plaisant.

Etre à l’arrière, à quelques cm de la roue du coéquipier demande concentration. Je suis dans le truc, j’oublie tout le reste. C’est parfait.

Traversée rapide de Blois et direction la Sarthe en longeant sur quelques km, le Loir, aux abords du village troglodytique de Trôo.

Sentant le temps tourner, je remets ma veste de pluie après Trôo. Je me retrouve à traverser la Chapelle-Huon sous une pluie “tranquille”, en avance de quelques centaines de mètres sur mes camarades qui se sont équipés entre temps.

Et après la traversée du village …
 – ploc
 – ploc           ploc
Et là, le déluge – jamais vu ça – des grêlons genre noisettes qui font un peu mal, de belles bourrasques, une route couverte d’eau courante, il fait quasi noir. J’avance encore de 100 m puis j’estime que ça devient trop risqué. J’entrevois le phare d’Arno qui arrive. Rien pour s’abriter. On décide de trouver refuge au village.
On entend Vincent nous appeler mais on ne le voit pas. Les toilettes publiques de la Chapelle-Huon sont un bon refuge.

La grêle passe mais nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau grain. Quelques km plus tard, nouvelle réunion au sommet. L’objet : bivouac ou hôtel ce soir ?
Après quelques échanges de points de vue, réservation faite au Campanile de la Ferté-Bernard où l’on prévoit de se faire une bonne bouffe après achats dans le magasin pas cher du coin.

Et ce plan s’est déroulé sans accrocs; vélos garés sur la coursive, près des chambres; dîner aussi généreux que les membres de notre petite troupe.

LES PHOTOS DU QUATRIEME JOUR

Le cinquième jour

Je craignais un peu cette dernière journée.
Pourtant, peu de km au regard du chemin déjà parcouru (90 km) plus, en ce qui me concerne, 70 l’après-midi pour rejoindre Le Mans.
Peut-être au regard du dénivelé ou de l’idée, tout simplement, que c’était la dernière journée de l’aventure.

Encore une fois, j’ai été scotché par des paysages inconnus. ci, les alpes Mancelles. La vallée autour de Saint-Léonard-des-bois est particulièrement sympa.

Finalement, les D+ sont avalés tranquillement; la dernière montée, jusqu’à ce bizarre belvédère en béton au milieu des bois, a été certainement rude mais les émotions se baladaient dans ma tête entre une satisfaction d’être arrivé là, avec les copains, d’avoir traversé tous ces départements, en si peu de temps, d’avoir tellement appris techniquement, humainement, sur moi.

Ce Mont des Avaloirs, je n’en connaissais même pas le nom il y a quelques semaines.
Il est devenu un objectif à atteindre en près de 900 km de route après une traversée hésitante de la France.

 – Jean-Michel, merci de m’avoir proposé cette expérience.
    Je sais, je te l’ai déjà dit …
 – Vincent, Arno, merci à vous, pour votre bienveillance et les partages.

LES PHOTOS DU CINQUIEME JOUR